[Africa Diligence] Le 18ème congrès du parti communiste chinois qui se tient du 8 au 14 novembre 2012 débouchera sur un nouvel Exécutif collégial conduit par le Président Xi Jinping. L’agence Knowdys a identifié les principales conséquences de ce changement sur les relations sino-africaines. Synthèse des nouveaux enjeux diplomatiques, économiques et éthiques de la Chine-Afrique.
Au plan diplomatique
Trois axes majeurs retiennent l’attention des analystes de Knowdys Affaires Publiques: la place de l’Afrique dans les radars diplomatiques, l’accentuation du soft power chinois en Afrique et le rôle de défenseur de l’Afrique dans les grandes instances internationales.
L’Afrique dans les radars de Pékin – Les clivages entre la ligne traditionnelle et l’aile réformatrice du parti communiste chinois (PCC) ne changeront pas la place de l’Afrique dans la stratégie de puissance chinoise, malgré l’arrivée de la nouvelle équipe dirigeante. Sur les radars de Pékin, l’Afrique restera donc, au moins durant les deux mandats de Xi Jinping, un grand pourvoyeur de matières premières, un marché croissant pour les produits manufacturiers chinois et une belle vitrine pour l’influence grandissante de la Chine dans les affaires internationales.
Le soft power chinois en Afrique – C’est durant les 10 années de règne de Hu Jintao que la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale. C’est aussi durant cette décennie que la réputation de la Chine moderne a essuyé ses pires attaques. Le développement des médias pro-Pékin et des instituts Confucius resteront deux axes prioritaires du soft power chinois en Afrique. Après l’agence de presse Chine Nouvelle et Radio Chine international, l’ouverture du bureau Afrique de la Télévision centrale de Chine au Kenya le 11 janvier 2012 conforte ce positionnement stratégique qui sera poursuivi par le nouvel Exécutif du PCC.
Le rôle de défenseur de l’Afrique – La Chine devrait logiquement continuer à défendre l’Afrique sur la scène internationale et notamment au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Aucun élément d’analyse ne permet d’entrevoir le contraire. Aucun analyste, non plus, n’est en mesure de démontrer comment la Chine pourra soutenir l’entrée de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, tout en s’opposant à l’entrée du frère ennemi indien. Il apparaît plus clair, en revanche, que sous la direction du nouvel Exécutif, la Chine prendra une place encore plus importante dans les opérations de maintien de la paix en Afrique.
Au plan économique
Trois principaux points retiennent l’attention des analystes de Knowdys Intelligence Economique : la balance commerciale Chine-Afrique, le transfert des usines chinoises en Afrique et l’impact de la nouvelle orientation économique chinoise sur l’économie africaine.
Equilibrer la balance commerciale – En 2011, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique ont atteint un volume de 160 milliards USD. La Chine est désormais confortablement assise sur le fauteuil de premier partenaire commercial de l’Afrique devant l’Europe et les Etats-Unis avec plus de 2000 entreprises chinoises dont le chiffre d’affaire est estimé à plus de 36 milliards USD. Pour prétendre équilibrer les échanges commerciaux avec la Chine, comme le souhaitent théoriquement de nombreux dirigeants africains, il faut une révolution dans les affaires économiques des Etats riches en matières premières énergétiques, révolution qui n’est malheureusement pas de la responsabilité du futur Exécutif chinois.
Attirer les usines chinoises en Afrique – Le nouveau modèle économique chinois devrait pousser ses dirigeants à accélérer la délocalisation des plateformes de production et d’exportation. Depuis 2006, les stratèges chinois travaillant sur l’Afrique réfléchissent à obtenir des matières premières à bas prix et de la compétitivité par les coûts au profit de leurs entreprises. L’Afrique ne peut se contenter des projets de zones économiques spéciales sélectionnés par la Chine pour être déployées en Égypte, en Éthiopie, à Maurice, au Nigéria et en Zambie. Elle doit créer des conditions propices sur le plan fiscal, énergétique et infrastructurel notamment pour pousser les Chinois à délocaliser davantage en Afrique.
Profiter de la nouvelle orientation économique chinoise – Lors de son discours de 90 minutes à l’ouverture des travaux du congrès du PCC, le président sortant Hu Jintao a appelé à mettre en œuvre «un nouveau modèle de croissance» moins tourné vers les exportations et plus axé sur la consommation intérieure. L’objectif de Pékin est de doubler d’ici 2020 le PIB et le revenu par tête d’habitant actuellement de 3.500 dollars/an en zone urbaine. Dans ce contexte, une question essentielle se pose aux Africains: voulez-vous rester de simples pourvoyeurs de matières premières ou comptez-vous profiter du marché intérieur chinois ?
Au plan éthique
Trois grandes dimensions retiennent l’attention des analystes de Knowdys Due Diligence: la responsabilité sociale et sociétale des entreprises chinoises en Afrique, le traitement du phénomène de la corruption dans les affaires et le soutien aux régimes autoritaires en Afrique.
Responsabilité sociale des entreprises (RSE) – Face aux critiques des puissances occidentales (Etats-Unis et Union européenne en tête), les entreprises chinoises ont réalisé des progrès sensibles dans l’exercice de leur responsabilité sociale et sociétale en Afrique au cours des trois dernières années. Ces efforts restent malheureusement focalisés sur la croissance économique. Leur impact sur l’environnement et sur le progrès social, selon les normes internationales, est mal mesuré. Nos analystes estiment cependant qu’il y a des raisons d’espérer que la prise de conscience collective de la classe politique chinoise sur la RSE aura un effet bénéfique au moins sur la gouvernance des entreprises d’Etat chinoises en Afrique.
Lutte contre la corruption – «Si nous échouons à traiter cette question correctement, elle pourra s’avérer fatale», a déclaré le président sortant lors du discours d’ouverture du congrès pour souligner l’importance de la corruption en Chine. Il faut signaler que des scandales politico-financiers ont éclaboussé les plus hauts dirigeants du PCC au cours des derniers mois. Parmi les personnalités touchées : Bo Xilai, membre du Bureau politique, Wen Jiabao actuel premier ministre et surtout Xi Jinping, le successeur du président Hu Jintao. Le traitement de la corruption en Chine aura-t-il des conséquences sur les opérations illicites de certaines grandes entreprises chinoises en Afrique ? La question a le mérite d’être posée au regard de la place qu’occupent les dirigeants des grands groupes chinois au sein du PCC.
Soutien aux régimes autoritaires – Dans son discours inaugural, Hu Jintao a appelé à «attacher plus d’importance à l’amélioration du système démocratique». Cette phrase peut-elle sortir de son contexte pour être mise en perspective dans les rapports de Pékin avec un certain nombre de régimes autoritaires africains ? Pas sûr. Partageant le sentiment que Pékin s’est fait avoir dans le traitement de la crise post-électorale ivoirienne et durant la campagne militaire en Libye, le nouvel Exécutif chinois poursuivra sa politique de « non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats amis », tout en veillant scrupuleusement – militairement le cas échéant – sur les intérêts stratégiques de la Chine dans les zones à risques.
En guise de conclusion – Pour de nombreux analystes, l’arrivée d’un nouvel Exécutif à la tête du parti communiste chinois ne changera pas grand-chose à la politique étrangère chinoise. Nous estimons en revanche que c’est du compromis entre traditionalistes et réformateurs du PCC que naîtra la nouvelle posture de la Chine sur la place de l’éthique dans ses affaires internationales. Sur le front économique stricto sensu, l’Afrique devra trouver autre chose à vendre que les matières premières énergétiques pour profiter à fond de la nouvelle conjoncture économique et politique chinoise.
Guy Gweth