« L’Afrique attend toujours son premier président noir démocrate ». Voilà le texte qui accompagne le dessin d’Arend van Dam paru il y a quelques jours aux Pays-Bas et repris dans le hors-série n°26 du Courrier international. On y voit un paysage fait de soleil, de végétation, de cases en fumée, de corps sans vie et de deux véhicules de la Croix-Rouge et des Nations Unies. Cette image qui abrège tous les diagnostics sur le continent africain est à intégrer à la carte postale d’un monde qui va célébrer en 2009 le couronnement d’un Africain-Américain comme 44è président des Etats-Unis, les 20 ans de la chute du Mur de Berlin ou encore le 400è anniversaire de l’astronomie ! Un tel tableau ne peut laisser indifférent aucun stratège. C’est l’une des raisons (les autres suivent) pour lesquelles j’ai décidé de franchir avec vous un pas supplémentaire sur les nouveaux chemins de la connaissance en mariant la diplomatie économique à l’intelligence stratégique.
Dès la création de ce site le 15 janvier 2008, j’ai attaché du prix à vulgariser l’intelligence compétitive et stratégique en Afrique centrale, tout en donnant à voir au reste du monde ce que nous apportons de contribution au développement de cette discipline. Mais, je l’avoue, mon vœu secret a toujours été d’inciter les jeunes experts africains à la production des connaissances afin d’éviter de subir les affres de la guerre cognitive en cours dans le cyberespace. Lors de mes nombreuses missions sur le continent, j’ai été profondément marqué par le fait que 8/10 citations employées par les universitaires, les politiques, les opérateurs économiques et moi-même faisaient référence aux auteurs d’autres continents. Or quand dans une société l’élite en est à un tel niveau de dépendance intellectuelle, penser le développement en termes de stratégie d’émancipation et de compétitivité ressemble à un exercice dont la stérilité pleure entre les lignes. Pourtant l’Afrique bouge, le monde change.
Depuis près d’une décennie, des entités qui jadis faisaient le pied de grue dans les lobbies réussissent une entrée spectaculaire sur la scène mondiale. Bien que non encore reconnus comme sujets de droit international, les réseaux, cercles, fonds souverains, fondations, agences de notation, think tank… dont les budgets dépassent parfois ceux de nombreux Etats apparaissent comme les néo-patries du XXIè siècle. Elles ont chacune un rêve, une histoire, un gouvernement, un corpus normatif et un territoire-en-réseau qui s’émancipe des frontières nationales au gré des intérêts. Comme le montre la brillante victoire de celui que le prix Nobel Paul Krugman appelle « Barack Delano Obama », ces entités transcendent la race, le pays d’origine, la religion ou l’appartenance politique. Leur impact grandissant dans les affaires du monde convoque une grille de lecture extrêmement complexe car elles génèrent une nouvelle grammaire des relations internationales.
Même si leur montée en puissance inquiète officiellement certains pouvoirs étatiques, force est de constater qu’ils composent avec ces entités qui, grâce à une diplomatie de réseau, influencent les grands agendas internationaux en matière de finance, d’environnement, d’énergie, de santé, de culture et d’humanitaire… Disséquer ces organisations grâce aux sources ouvertes, cerner leurs intérêts, comprendre les mécanismes de leur fonctionnement et mesurer l’impact de leurs activités sur la compétitivité des entreprises et les économies nationales… Voilà à quoi s’attèlera ce site en 2009 sous le titre « Intelligence stratégique & diplomatie économique». Que nos lecteurs africains soient cependant rassurés, cette nouvelle orientation n’entamera que si peu la place de choix de l’Afrique dans nos analyses. D’ailleurs nos sites d’intelligence compétitive anglophone (Comintelca) et hispanophone (Intelcac) resteront spécialisés sur l’Afrique centrale durant toute l’année 2009.
Guy Gweth