Au Tchad, la reprise économique se confirme grâce au secteur pétrolier

[Africa Diligence] Des prévisions de croissance ambitieuses qui reposent sur des hypothèses de prix du pétrole incertaines ? Les prévisions pour l’année 2019 confirment la bonne trajectoire de croissance avec 4,5 % selon le FMI (6,9 % selon le gouvernement et la BEAC). L’année 2018 avait vu la reprise de la croissance au Tchad, avec 3,1 % selon le FMI et 1,5 % selon N’Djamena.

Le FMI se base sur une croissance du PIB pétrolier de 12,7 % contre 3 % pour le secteur non-pétrolier, une production du Tchad à 122 655 barils/jour et un cours du Brent anticipé à 72,3 USD. D’après le gouvernement, le secteur pétrolier enregistrerait une croissance de 22,3 % en 2019 contre 3 % pour le secteur non pétrolier. Le gouvernement a retenu une hypothèse de production de 114 751 barils/jour (contre une hypothèse de 132 588 en 2018) et un prix du Brent qui remonterait à 65 USD en 2019 contre une estimation de 52,5 USD dans la LFI 2018. La dernière prévision du World Economic Outlook retient un cours sensiblement inférieur à celui utilisé pour la LFI 2019 (59 USD).

Le secteur non-pétrolier devrait retrouver une croissance plus soutenue en 2019 après deux années de quasi-stagnation (-0,5 % en 2017 ; +1 % en 2018) d’après le FMI. Toutefois, le sous-secteur du coton est toujours en crise puisque la campagne cotonnière 2018-2019 est estimée à 40 000 tonnes de coton-graine d’après la BEAC, contre 59 830 tonnes pour 2017-2018. Les discussions entre Olam, qui a repris la CotonTchad, et l’Etat, ont achoppé sur la reprise du passif des cotonculteurs, repoussant la signature de l’accord. La production de canne à sucre progresse légèrement et s’établit à 136 000 tonnes (+4,5 %) en 2018. Par ailleurs, la production de sucre brut est estimée à 36 000 tonnes (+2,9 %) pour la campagne 2018-2019.

Des recettes en hausse grâce aux revenus pétroliers, une dépendance moindre à l’aide extérieure

Les recettes totales (dons inclus) seraient en augmentation par rapport à 2018, puisqu’elles seraient de 983 Mds FCFA contre 846 en 2018. Hors dons, elles s’établiraient à 827 Mds contre 653 en 2018 soit une hausse de 26 %, grâce notamment à l’augmentation des recettes pétrolières (les recettes pétrolières fiscales passeraient en effet de 28 Mds FCFA à 108 Mds, soit une multiplication par trois. Les recettes pétrolières non-fiscales augmenteraient également de 202 Mds FCFA à 253 Mds, soit une augmentation de 24 %). Les recettes hors-pétrole augmenteraient également, de 422 Mds en 2018 à 466 Mds FCFA en 2019, notamment grâce à l’augmentation des recettes fiscales. La Loi de finances 2019 consacre en effet dans cette optique, la suppression du foyer fiscal, la modification de l’Impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) dans sa composante capital (taux fixe à 20 % au lieu de la modulation), la limitation de l’optimisation effectuée sur les avantages en nature (non imposables) par les contribuables, le renforcement des régies financières, l’augmentation globale de droits de perception ainsi que des montants de certaines amendes, la mise en place d’une commission chargée des contrôles des exonérations, et enfin l’élargissement de l’assiette de jeux de hasard.

Le moratoire négocié avec Glencore devrait permettre une stabilisation des dépenses et une augmentation de l’investissement, des dépenses de biens et services et des transferts

Les dépenses totales seraient en légère augmentation, de 950 Mds FCFA en 2018 à 980 Mds en 2019, soit +3,1 %. On peut noter une importante baisse prévue des charges des intérêts de la dette extérieure de 44 %, notamment grâce au rééchelonnement du prêt contracté avec Glencore (moratoire de deux ans négocié au début de l’année 2018), ainsi qu’une baisse des intérêts de la dette intérieure de 11,4 %. Les dépenses de personnel devraient baisser de 1,1 %, de 354 Mds à 350 Mds, restant ainsi en-deçà des recommandations du FMI, ce malgré le recrutement prévu de 4 331 fonctionnaires supplémentaires. L’abrogation du décret présidentiel portant ponction des primes et indemnités pour les fonctionnaires militaires à partir du 1er janvier 2019, ainsi que le rétablissement de 15 % pour celles des fonctionnaires civils, laissent pourtant des doutes quant à la baisse durable de la masse salariale. Les dépenses de biens et services augmenteraient (+25 %), de même que les transferts et subventions (+17 %), les dépenses d’investissements sur ressources intérieures (+42 %) et sur ressources extérieures (+1,9 %).

Des mesures pour améliorer la qualité des dépenses publiques sont prévues par la Loi de finances 2019, notamment dans le domaine de la gestion et de l’apurement de la masse salariale des agents de l’État, de l’amélioration de la gestion de la dette, et de la modernisation et la sécurisation des systèmes d’informations budgétaire et comptable.

Le Tchad devrait réduire sa dépendance à l’aide internationale de plus de 19 % en 2019

Le déficit budgétaire hors dons s’établirait à 153 Mds FCFA. Les dons, legs et fonds diminueraient de 193 Mds FCFA en 2018 à 156 Mds en 2019, soit une baisse de 21 %. La contribution au financement du déficit budgétaire par des financements extérieurs et notamment les appuis des partenaires est encore très importante, mais se réduit légèrement. La dette totale, qui représentait 51,2 % du PIB en 2016, devrait atteindre 45,6 % en 2019 d’après le FMI.

Les prévisions de recettes budgétaires et de croissance sont positives mais restent fragiles, compte tenu de la volatilité des cours du baril, des difficultés persistantes du secteur réel et de la situation sécuritaire du pays. Un changement de conjoncture important pourrait avoir pour conséquence une aggravation du déficit budgétaire et une dépendance accrue aux financements extérieurs, voire aux marchés, ce qui pourrait remettre en cause la trajectoire de viabilité de la dette sur laquelle le Tchad s’est engagé.

La Rédaction (avec LAC et Knowdys Database)