Le casse-tête africain du financement des jeunes entreprises

[Africa Diligence] L’accès aux financements est-il plus difficile en Afrique qu’ailleurs ? Oui. Cela explique-t-il les échecs et les retards de croissance des jeunes entreprises africaines ? Pas sûr… Cette analyse d’un des fondateurs de Ashanti Ventures va à contre-courant de la vague mainstream qui veut que sont les difficultés d’accès aux financements qui tuent les entreprises africaines.

Arrêter ce mimétisme cher aux entreprises tropicales

La production de tomates, une marque de vêtement, un élevage de volailles, une unité de production de jus de fruits, un e-commerce général, un site d’annonces. Voilà six classiques, visités, revisités, sur-revisités par les entrepreneurs africains. Les projets de ce type sont innombrables et ont le malheur de tous se ressembler. Il est temps que l’approche proposée par l’entrepreneur soit originale, différenciée, innovante. Même si une unité de production de jus d’ananas installée à Dakar ou Abidjan est rentable, cela ne suffit pas à en faire une cible intéressante. Des entreprises similaires existent par centaines dans la sous-région et la plupart sera morte d’ici deux ans.

S’accrocher aux connaissances et au savoir-faire de l’équipe

On a parfois l’impression que certains entrepreneurs créent une application mobile parce que c’est un outil à la mode. Ils parlent de blockchain parce que le thème est récurrent ou mentionnent l’intelligence artificielle à tout va sans vraiment savoir ce que cela recouvre. C’est tout le débat entre la modernité et le progrès. Dans une jeune entreprise, les clients, les actifs matériels, les flux, ou la renommée sont encore quasi inexistants. Dans ces cas, la seule garantie à laquelle l’investisseur peut s’accrocher, ce sont les connaissances et le savoir-faire de l’équipe.

Sentir qu’on est face de fins connaisseurs du marché

L’investisseur a besoin de sentir qu’il n’est pas face à des « aventuriers » mais à des fins connaisseurs de leur marché. Il a besoin de sentir que ceux-ci ont identifié, bien compris les grands enjeux de leur marché, et qu’ils sont en mesure d’y répondre de la meilleure manière. Des éléments plutôt difficiles à garantir lorsque ni l’entrepreneur, ni son équipe ne sont experts de leur marché. Quand les ingénieurs agronomes s’improvisent développeurs d’applications mobiles, que les financiers deviennent designers de mode, et que des étudiants en ressources humaines se lancent dans l’élevage de poulets, tout se complique lorsqu’il n’y a dans leur équipe aucun expert.

S’investir dans son véritable domaine d’expertise

Dans la large majorité de ces hybridations hasardeuses, les entreprises créées meurent. Rares sont celles qui survivent mais au prix de ne jamais grandir, et les chances qu’elles deviennent des championnes sont quasiment nulles. Les fonds d’investissement attendent des entrepreneurs et des équipes qui s’investissent dans des domaines où ils sont experts, où ils peuvent donner aux investisseurs la garantie de leurs connaissances, de leurs compétences, et leur capacité à délivrer les objectifs. Sans cela, aucun investisseur ne risquera ses fonds dans un projet.

Décrocher un financement, c’est un marathon

Une grande partie des entreprises africaines se découragent à la simple idée de remplir un dossier de candidature. Ces entrepreneurs que les procédures et quelques rédactions découragent sont ceux qui ne seront pas contactées. S’ils sont incapables de faire une rédaction correcte pour se présenter, d’exposer leur projet entrepreneurial sur une page, chiffres à l’appui, ou de réaliser un power point nickel de 5 slides qui expose leur vision à 5 ans. Qu’ils passent leur chemin. Nous pensons que ces entrepreneurs-là ne tiendront pas la distance, car sur leur route se dresseront des défis bien plus exigeants que tout ceci. Malheureusement, beaucoup ne l’ont pas compris. Jusqu’à preuve du contraire, créer une entreprise n’est pas en soi un exploit, peu importe l’idée, la vision, ou les projets qui sous-tendent cette création. C’est un geste à la portée de n’importe quel individu disposant de quelques heures, une pièce d’identité, et quelques milliers de francs CFA.

Porter cette entreprise au succès, voilà l’exploit !

Mais si on continue de célébrer les entrepreneurs sur internet, de les louer juste parce qu’ils ont créé des entreprises dont tout le monde ignore tout des performances, on fabriquera une génération d’entrepreneurs « Facebook ». Des « entrepreneurs » du verbe, qui parlent, donnent des pseudo-interviews, chassent les projecteurs, conseillent la jeunesse, mais qui jamais n’abordent des sujets de fond : leur activité, leurs résultats, leurs challenges, et leurs perspectives. Tout ce qui devrait pourtant représenter le corps de la parole d’un chef d’entreprise, comme l’illustre si bien le discours de Régis Ezin sur sa marque de snacks Dayelian. Le problème aujourd’hui c’est que nos capitales regorgent de ces profils « Facebook », et cela complique profondément la mission des investisseurs.

Point n’est besoin de devenir expert en veille, mais…

Le monde est vaste. Il appartient à ceux qui ont soif de l’apprendre, de le connaître, de le comprendre. Point n’est besoin de devenir un expert en veille et intelligence économique au sens rigoureux du CAVIE. Mais… Un entrepreneur qui ne suit pas les informations à haute valeur ajoutée est mort-né. Quand on monte une boîte dans un pays, c’est quand même utile de savoir un peu ce qui s’y passe non ? Et vu que nous vivons une ère de mondialisation, c’est peut-être aussi important de savoir ce qui se passe dans d’autres grandes régions du monde à l’instar des Etats-Unis, de la Chine, de la France, des pays émergents… Il paraît évident que oui. Il y a au moins quatre éléments que cela peut expliquer : les cours des matières premières, les variations des taux de change, la dynamique technologique et les perspectives sur leurs marchés. Et pour une entreprise, ces points sont loin d’être de simples détails.

Développer une maîtrise fine de son industrie

Un entrepreneur qui n’en apprend pas tous les jours sur son secteur inquiètera les investisseur : si vous montez une boîte dans la mode et que vous ignorez, ou ne connaissez que LVMH, Kering, ou Inditex de nom, il y a un problème. Idem si vous ne pouvez pas répondre à des questions du type qu’est-ce qui fait la force de frappe de Zara ? C’est aussi ça le job de l’entrepreneur. Développer une expertise fine de son industrie. C’est le ciment de la vision de l’entrepreneur et l’Afrique en manque souvent.

Se rendre éligible à l’obtention des fonds

Les jeunes entreprises ont assurément besoin de lever des financements pour leur croissance et relever les défis. Mais pour y arriver, elles doivent d’abord se rendre éligibles à l’obtention de ces fonds. Pour attirer les capitaux dont elles ont besoin, il leur sera impératif de présenter des projets originaux à fort potentiel, porter les bonnes équipes, gérer avec rigueur et transparence, et le tout dans un état d’esprit conquérant.

Pourquoi faire confiance à Ashanti Ventures ?

Ashanti Ventures est un fonds d’investissement qui accompagne les jeunes entreprises ouest-africaines avec de l’apport en capital et du conseil. Concrètement, le modèle de ce fonds consiste à investir sur cinq ans, de 15 à 35 millions de francs CFA, dans les start-up qu’il accompagne, soit un ticket annuel moyen entre 3 et 7 millions. Cet apport en capital est complété par des facilités d’accès au financement bancaire, ainsi qu’un dispositif d’accompagnement en conseil assuré par les 4 associés-gérants du fond : un ingénieur (Vinci), un consultant en stratégie (Capgemini Consulting), un expert-comptable (Mazars) et un data-scientist (JC Decaux).

Naofal Ali, co-fondateur de Ashanti Ventures, adaptation : la Rédaction