Mouvance de l’économie mondiale et recadrage des entreprises africaines : les clés

[Africa Diligence] Cette conférence a été donnée par Rigobert Pinga Pinga dans le cadre des 11èmes journées Nationales du Management tenues au siège du Groupement Inter patronal du Cameroun (GICAM) du 27 au 28 juin 2018, à la rubrique « Gestion de l’information, prise de décision et suivi de l’exécution ». Président de la commission « Audit et compétitivité » Du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique (CAVIE), l’auteur aide notamment la Banque Mondiale dans l’amélioration continue de ses processus opérationnels, comptables et financiers à travers les missions d’audit interne et de conseil.

Confrontées aux exigences de la mondialisation et aux mutations technologiques toujours plus rapides, les entreprises africaines peinent à identifier et à mettre en œuvre des mécanismes qui leur permettraient de booster et de maintenir un niveau de compétitivité durable, portée par la création de la valeur ajoutée. Pour les entreprises camerounaises, la création de la valeur ajoutée passe par une refonte de la gouvernance ambiante, la maitrise et la communication de l’information stratégique (soutenue par le big data analytics), la prise de décisions stratégiques par le management et le suivi de leur exécution, notamment grâce à un dispositif de contrôle interne efficace, incluant une fonction d’audit interne moderne.

La gouvernance d’entreprise, la clé de voute

Le but de la gouvernance d’entreprise est de faciliter une gestion efficace, entrepreneuriale et prudente qui peut assurer le succès à long terme d’une entreprise. C’est un cadre organisationnel de processus et d’attitudes qui met l’accent sur la continuité et le succès à long terme afin d’ajouter de la valeur à l’entreprise, bâtir sa réputation et renforcer la confiance des investisseurs. Les responsables d’entreprises, le GICAM et les autres acteurs publics doivent résolument œuvrer pour la transformation de la gouvernance actuelle afin d’embrasser les meilleures pratiques internationales, notamment celles relatives au choix d’administrateurs qualifiés et indépendants, et au recrutement de ressources humaines compétentes, capables d’apporter de la valeur ajoutée à l’entreprise, gage de sa compétitivité.

Le Big Data Analytics, Source d’Informations Stratégiques

La promesse d’une prise de décision guidée par les données est maintenant largement reconnue, et la notion de « Big Data » suscite de plus en plus d’enthousiasme. La profusion des données internes ou externes à l’entreprise, ainsi que le foisonnement des techniques et outils d’analyse des données offrent une opportunité aux cadres d’explorer des perspectives jusque-là inconnues. Le big data fait généralement référence à la croissance du volume des données structurées et non structurées, à la vitesse à laquelle elles sont créées et collectées, et à la multiplicité des sources de données. Les entreprises camerounaises devraient s’investir dans le big data analytics car elle permet de générer de l’information stratégique, et donc de créer de la valeur ajoutée. En effet, bien exploité, le big data analytics permet de :

  • Comprendre le comportement des clients (par ex : l’analyse des sentiments)
  • Comprendre et améliorer les opérations de l’entreprise (par ex : de la conception à la livraison ; la chaîne d’approvisionnement, etc.)
  • Gérer le risque d’entreprise, y compris le risque lié à la sécurité de l’information

La mise en œuvre de cette démarche nécessite d’importants investissements, notamment sur le triple volet opérationnel (conception des processus de capture, collecte et stockage de grandes données), technologique (conception ou adoption de nouveaux outils d’analyse), et humain (recrutement du personnel spécialisé et/ou amélioration des capacités du staff actuel). Par conséquent, la valeur ajoutée et le gain d’efficacité attendus devraient guider la prise de décision d’investissement.

Un Dispositif de Contrôle Interne Efficace

Valeur ajoutée ne fait pas bon ménage avec prise de décision tardive, inefficacité, gaspillages, fraude, etc., d’où la nécessité d’un bon dispositif de contrôle interne. Le contrôle interne est l’ensemble de processus ou mécanismes mis en place par les dirigeants pour s’assurer que les objectifs stratégiques, opérationnels, financiers et de conformité sont ou seront atteints. Deux composantes non moins importantes de ce dispositif sont la qualité du système d’information et de communication, et l’existence d’une fonction d’audit interne indépendante.

La communication interne est le vecteur par lequel l’information est diffusée dans toute l’organisation, en amont, en aval, et de façon transversale. Elle permet à la direction générale d’adresser aux collaborateurs un message clair sur l’importance des responsabilités de chacun en matière de contrôle. Au quotidien, la direction générale obtient, produit, et utilise des informations pertinentes et de qualité, de source interne ou externe, pour faciliter le fonctionnement de l’entreprise et l’atteinte de ses objectifs. La plupart des entreprises camerounaises souffrent encore du « déficit d’information et de communication » : ceux qui doivent savoir ne savent pas ; et quand ils savent, c’est souvent trop tard. Il est curieux de noter que le culte du secret existe encore dans nos entreprises. L’information n’est pas démocratisée et tarde à être communiquée aux personnes stratégiques. Le secret est utilisé comme un facteur essentiel de positionnement individuel : « Moins mes collaborateurs savent ce que je sais, plus je suis stratégiquement important ! ».

La mise en place d’une « fonction d’audit interne » peut permettre d’assurer l’efficacité constante du circuit d’information et de communication. Malheureusement, excepté certaines filiales de grands groupes internationaux, l’audit interne dans les entreprises camerounaises (notamment dans les petites et moyennes entreprises de type familial et les entreprises à capitaux publics) tarde à occuper l’espace qui lui revient dans la vulgarisation et la dissémination des meilleures pratiques en matière de gestion en général et, en particulier, dans la production d’une assurance quant à l’efficacité du système d’information et de Communication de l’entreprise. Les causes majeures de cette situation se trouvent dans la compréhension étroite de leur rôle et les moyens limités mis à la disposition des auditeurs internes. Il apparait impératif de repositionner la fonction d’audit interne au sein des entreprises camerounaises de façon qu’elle soit en mesure de fournir une assurance juste, raisonnable et indépendante sur les activités ou opérations. Ceci demande i) la transformation de la perception et l’attention accordée à la fonction par les dirigeants et ii) la refonte du rôle et des responsabilités de l’auditeur interne au sein de l’entreprise.

La Rédaction (avec Rigobert Pinga Pinga)

Avertissement : Les propos tenus par Rigobert Pinga Pinga sont des opinions personnelles et ne constituent pas la position officielle du Groupe Banque Mondiale.

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