Corruption : Dubaï Ports World en ligne de mire au Sénégal et à Djibouti

[Africa Diligence] Dubaï Ports World, la compagnie de l’émir Al Maktoum, administrée par le Sultan Ahmed bin Sulayem, possède un portefeuille de plus de 65 terminaux maritimes dans le monde. La manutention de conteneurs, son cœur de métier, génère plus de 75% de son chiffre d’affaires. Cet article révèle ses pratiques au Sénégal et à Djibouti.

Dubaï Ports World (DP World) emploie 36 000 personnes dans le monde et a généré 3,411 milliards de dollars de chiffre d’affaire en 2014. La société a été fondée en 2005, par la fusion de Dubaï Ports Authority et Dubaï Ports International (qui avait été fondée en 1999). Dubaï World Corp détient 80,5% des actions de DP World.

Allégations de corruption au Sénégal

DP World est soupçonné par le Ministère de la Justice sénégalais d’avoir œuvré avec Karim Wade, le fils de l’ex-président sénégalais, actuellement l’objet d’une enquête pour enrichissement illicite. DP World a, en effet, signé en 2007 un accord de concession de 25 ans pour la gestion du terminal à conteneurs du Port de Dakar, alors que Karim Wade occupait sa fonction clé du Ministère d’État pour la coopération internationale, le développement régional, le transport aérien, et l’Infrastructure, de mai 2009 Avril de 2012.

Le Procureur de la Cour Anti-corruption a notamment déclaré que filiale sénégalaise de DP World s’était avérée in fine être la propriété de Karim Wade, gérée directement en pratique par ce dernier dès Avril 2013. Selon le ministère de la Justice du Sénégal, une fraude avait été commise sur le paiement des frais de concession. Il a également relevé qu’il était apparu que chaque membre de la Commission qui avait effectué l’attribution de marché du terminal à conteneurs avait reçu un bonus de 25 millions de FCFA du PAD (Port Autonome de Dakar) ; les membres étaient été désignés à la seule discrétion du Président de la PAD… Karim Wade.

DP World avait remporté la concession, principalement parce que la firme avait proposé le ticket d’entrée le plus élevé, d’un montant de 54 milliards de FCFA. Parmi ce total, le contrat stipulait que le président du PAD pourrait choisir entre 24 milliards de FCFA en espèces ou 10% du capital de DP World Dakar, d’une valeur réelle d’1 milliard FCFA soit une valeur de 100 millions FCFA pour le PAD. Les actions de 10% dans le capital de DP World Dakar avaient été choisies par Wade.

DP World Dakar est la société sénégalaise d’exploitation du terminal de Dakar. DP World Ltd Sénégal – basée dans les îles Vierges – détient 86% des actions de DP World Dakar et 10% sont détenus par le PAD. Tous les dividendes générés par DP World Dakar ont été directement transférés à DP World FZE, la compagnie mère de DP World basée à Dubaï, qui détient 100% de DP World Sénégal Ltd. Cette dernière avait reçu 50% des dividendes normalement dus au PAD de 2009 à 2011.

A la lumière du schéma de paiement de dividende présenté ci-dessus et les choix du président du PDA, les autorités sénégalaises ont dénoncé le contrat en 2012, à la chute de la suprématie Wade.

DP World avait alors accepté de payer le solde de 24 milliards de FCFA en liquide, afin de préserver son contrat de concession En Juin 2013, lors d’une visite à Paris le même mois, le président sénégalais Macky Sall avait exprimé sa confiance vis-à-vis du président de DP World Sultan Ahmed Bin Sulayem, et affirmé que les investissements de DP World à Dakar étaient les bienvenus et seraient protégés.

Allégations de corruption en vue de s’assurer le terminal de conteneurs de Dolareh à Djibouti.

Le gouvernement de Djibouti a déposé une plainte devant la Cour d’arbitrage internationale de Londres contre DP World. Au cœur de l’incrimination, le paiement des pots de vin pour obtenir un contrat de concession de 50 ans, de construction et d’administration du terminal de conteneurs de Doraleh, en 2006. La concession a depuis été annulée et dénoncée par le gouvernement de Djibouti, suite à la découverte de preuves de faits de corruption graves.

Djibouti a déclaré que l’action en justice a commencé avec une enquête sur l’ancien président des ports de Djibouti et les zones franches Autorité Abdourahman Boreh, qui a soulevé plusieurs affaires d’infractions occultes, et a mis en exergue les abus commis par celui-ci, dans le cadre de ses fonctions gouvernementales, pour obtenir des avantages personnels au détriment de la République de Djibouti.

L’enquête a révélé des preuves indiquant que DP World a payé des pots de vin et a donné d’autres formes d’incitations financières – essentiellement en parts de sociétés, à M. Boreh, alors qu’il était en charge de la négociation de la concession du terminal à conteneurs de Doraleh avec DP World, relation qui s’est prolongée par la suite. Les pots de vin ont été payés grâce à des contrats de conseils fictifs, et ont été acheminés à travers un réseau de sociétés écrans offshore. L’affaire est instruite devant les tribunaux du Royaume-Uni, et selon les débats en cours, il a été établi que M. Boreh a secrètement reçu de DP World, pour un dollar symbolique, 15% de DP World Djibouti (propriétaire de 33% du Terminal de conteneur de Doraleh). Lui donnant par là un intérêt direct dans la liquidation des intérêts de Djibouti, qu’il était alors chargé de défendre. Le préjudice actuel, subi par Djibouti est estimé par les experts à plus de 800 millions de dollars.

Dans le cadre du même dossier, l’entreprise qui a obtenu le contrat de construction du Port, la multinationale Odebrecht, proche partenaire de DP World, a permis, par un accord de co-entreprise secret, à Abdourahman Boreh de récupérer 40% des bénéfices dégagés par Odebrecht. Marcello Odebrecht, directeur général de la firme, a, depuis été inculpé au Brésil pour la constitution d’un vaste système de corruption mondialisée. Marcelo Odebrecht a affirmé, lors de son procès, qu’ « il est impossible de faire des affaires sans corrompre des officiels ».

Ainan Okage

(Le contenu de cet article n’engage que son auteur)