David Cophie, expert Ivoirien : “l’Afrique est indispensable à la croissance mondiale”

[Africa Diligence] Ancien de PricewaterhouseCoopers, David K. Cophie dirige le Groupe MDA dont fait partie Senior Alliance Consulting. Expert grade A auprès de l’UE-ACP, il est titulaire d’un MBA de l’Université Libre de Bruxelles. Responsable pendant 10 ans de plusieurs séminaires internationaux de management et de perfectionnement des cadres africains, il soutient mordicus que « l’Afrique est indispensable à la croissance mondiale. »

« Je dirige aujourd’hui le Groupe MDA dont fait partie Senior Alliance Consulting, un cabinet international de conseil en management, crée en 2000. Nos principaux bureaux régionaux sont basés à Abidjan (Côte d’Ivoire) pour la zone Afrique et à Bruxelles pour la zone Europe », engage David Cophie. Après plusieurs années passées au sein de grands cabinets internationaux d’audit dont PwC, l’Ivoirien prêche désormais pour sa propre chapelle.

« Aujourd’hui, poursuit-il, nous comptons parmi les meilleurs cabinets de conseil exerçant en Afrique et leader de la formation professionnelle continue en Afrique francophone avec plus de 200 séminaires internationaux par an. Nous ambitionnons de devenir un centre de référence avec statut d’institution internationale spécialisée dans le renforcement des capacités, le conseil et la formation continue des hauts cadres africains. » C’est donc un auditeur de haut niveau, mais aussi un entrepreneur et un commercial aguerri qui a accepté de répondre à nos questions.

Africa Diligence : Croyez-vous en l’émergence économique du continent africain ?

David Cophie : Je crois fermement en l’émergence économique de l’Afrique pour plusieurs raisons ; parce que c’est bien ici que tout a commencé. L’Afrique est le berceau de l’humanité, et du savoir. Avant l’empire romain, l’Égypte antique était l’une des civilisations les plus prospères et les plus avancées du monde occidental. L’Afrique a été un acteur majeur, un centre névralgique dans le commerce et les échanges internationaux pendant plusieurs siècles. Rappelons l’époque du commerce triangulaire avec les pays d’Europe occidentale et de la colonisation du continent africain qui a eu un impact important, toujours débattu, sur le développement de l’économie africaine.

Aujourd’hui, si nous considérons la réponse rapide que l’Afrique a apportée face à la crise financière mondiale et les croissances élevées enregistrées, cela témoigne de son énorme potentiel économique. Le souci est que la pauvreté reste très répandue sur le continent. Et la question essentielle est de savoir comment transformer le potentiel de l’Afrique en une croissance forte, soutenue et partagée afin d’apporter des améliorations tangibles aux conditions de vie des populations.

Ce qui me rassure, c’est que l’émergence du continent repose sur un certain nombre de facteurs effectifs, y compris un environnement extérieur favorable et des facteurs intérieurs tels que le recul des conflits, les avancées de la démocratie, une stabilité politique accrue et des politiques macroéconomiques prudentes. Plusieurs pays ont amélioré leur environnement des affaires, la réglementation du secteur financier, l’administration publique, et le recouvrement des recettes fiscales. L’accroissement des flux d’échange et d’investissement entre l’Afrique, la Chine, l’Inde et les pays du Golfe garantit aussi cette croissance.

L’Afrique est indispensable à la croissance de l’économie mondiale, même si on nous fait croire le contraire. Andris Piebalgs, Commissaire européen pour le développement disait «Investir en Afrique c’est préparer le futur de l’Europe» et moi j’ajouterais du monde.

Pourtant considérée comme étant en marge de la mondialisation, l’Afrique tient en revanche son rang car le potentiel de croissance économique de l’Afrique reste immense : les investissements nationaux et étrangers continuent à croître rapidement. Le grand défi pour l’Afrique durant les deux prochaines décennies consistera à faire que cette croissance soit créatrice d’emplois et bénéficie aux pauvres.

Nous avons tout pour réussir. Si nous n’y croyons pas alors les autres qui y croient viendront réaliser leur rêve sous notre nez. Toutes les grandes conférences à Genève et dans le monde, portent généralement sur l’investissement en Afrique ; pourquoi donc ? Simplement parce que les économies africaines captivent l’attention mondiale, tous croient en l’Afrique. Alors pourquoi pas nous ?

S’il fallait vous aider à contribuer au développement rapide de l’Afrique, quels leviers pourrait-on activer ?

L’Afrique connaît une croissance économique rapide mais aux retombées inégalement réparties. La question est donc de savoir comment traduire ces performances économiques impressionnantes en une croissance plus inclusive – et en particulier, comment faire en sorte que la croissance économique génère de l’emploi pour les jeunes, toujours plus nombreux. Un environnement économique stable, de meilleures infrastructures et une hausse de la productivité agricole peuvent avoir de profonds effets sur l’inclusion et la création d’emplois. Les sujets de l’emploi et de la productivité apparaissent comme étant les enjeux principaux d’une croissance inclusive.

En termes de politique économique, comme l’avait identifié le FMI, deux domaines complémentaires favoriseraient la croissance inclusive. Le premier concerne la création d’emplois, particulièrement au sein des entreprises familiales des secteurs de l’agriculture et des services. L’agriculture est le secteur qui fournit le plus d’emplois, mais elle souffre encore d’une faible productivité et d’un recours limité aux technologies. Le second concerne l’inclusion financière et la facilité d’accès à des sources de financement fiables et abordables. Les nouvelles technologies y contribuent positivement. On peut citer l’exemple des services bancaires sur téléphone mobile qui connaissent une expansion rapide et démocratisent l’accès aux services financiers aux personnes auparavant non bancarisées. La bancarisation demeure un levier du développement socio-économique de l’Afrique.

Le numérique est aussi un levier de croissance qui pourrait permettre aux économies africaines de prendre définitivement leur envol. Comment et à quel rythme ? La première priorité est le développement des infrastructures numériques, qui permettent de booster la productivité agricole, celle des entreprises et des services publics, mais aussi de connecter les populations aux marchés et de leur donner accès aux services financiers.

Devant la demande de plus en plus forte de ressources minérales, due à la montée en puissance des pays émergents, l’Afrique, sous explorée et sous exploitée, prend des allures d’eldorado pour les petites et grandes compagnies minières originaires d’Europe, d’Amérique du Nord, et bien sûr de Chine. Le secteur minier depuis le début des années 2000, est marqué par une hausse ininterrompue des investissements dans cette industrie. Elle ouvre à l’Afrique, au potentiel géologique très important mais peu connu, une « fenêtre d’opportunité » pour pérenniser sa croissance. L’Afrique tient d’ores et déjà une place privilégiée dans cette industrie. Des puissances émergentes comme la Chine s’intéressent aujourd’hui au continent africain : elles y voient une source privilégiée des matériaux dont elles ont besoin pour leurs industries. Cet intérêt est, du point de vue des pays africains qui disposent de ressources minières, une opportunité à ne pas laisser passer. Pour cela, la valorisation de son sous-sol doit respecter les principes de bonne gouvernance politique, sociale, économique et environnementale. En ce sens, l’implication de la communauté internationale et des bailleurs de fonds demeure indispensable.

Si vous étiez élu chef de l’État de votre pays dans les 24 heures, quelles seraient vos trois premières décisions ?

D’abord, améliorer et investir dans l’employabilité et la formation des jeunes qui sont les catalyseurs du développement économique et social

Ensuite, apporter des améliorations tangibles aux conditions de vie des populations grâce aux nouvelles technologies, un environnement économique stable, de meilleures infrastructures, un système sanitaire et social adéquat, une hausse de la productivité agricole pour l’exportation et la sécurité alimentaire, et à des systèmes de financements accessibles à tous.

Enfin, assainir et amélioration de la compétitivité des filières agricoles et du secteur mines/énergies pour les mettre au service d’un développement durable

Que pensez-vous de l’avènement du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique ?

L’avènement du Centre Africain de Veille et d’Intelligence Économique est une grande première, qui nous permettra en dehors de renforcer leurs compétences dans le domaine de l’intelligence économique, d’avoir un état des lieux permanent sur l’Afrique, et de contribuer au développement économiques, sociales et de l’environnement des affaires dans nos états africains.

Propos recueillis par la Rédaction

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