Diaspora africaine, c’est le moment d’investir au pays!

[Africa Diligence] Aux yeux des investisseurs étrangers, l’Afrique a rarement été aussi séduisante qu’en 2012. La totalité des pays africains sont en croissance positive. La plupart des gouvernements s’efforcent d’améliorer le climat des affaires. La classe moyenne s’accroit et consomme. Les grands groupes affluent. Où est la diaspora africaine ?

Les entrepreneurs africains de la diaspora seraient-ils les derniers à succomber à l’attractivité de l’Afrique ? C’est en tout cas ce que révèlent les investigations de knowdys intelligence économique auprès de 56 entrepreneurs africains basés à Paris, Londres et New-York. Opérant dans un milieu européen ou américain plus transparent où l’asymétrie d’information est relative, les entrepreneurs de la diaspora estiment à juste titre que les risques, les obstacles, les coûts de transaction et la longueur des procédures, sont trop importants pour investir dans leur pays d’origine. Entre aux autres griefs, ils regrettent que le commerce transfrontalier soit encore relativement compliqué. Trop de procédures, de bureaucratie, de corruption. Et pour leur donner raison, un rapport de la Banque mondiale a récemment mis en évidence les multiples entraves tarifaires, techniques, logistiques, administratives, politiques et juridiques qui freinent les échanges intracontinentaux, provoquant une perte de revenus potentiels évaluée à plusieurs milliards de dollars, par an, d’après les analystes de Bretton Woods.

Comme si la diaspora était la dernière à y croire

Lorsqu’on analyse la situation de l’Afrique francophone, à titre d’exemple, on note effectivement que les insuffisances des infrastructures énergétiques, routières, ferroviaires, portuaires constituent un frein monumental pour la croissance. S’ils le souhaitaient, les investisseurs africains de la diaspora pourraient contribuer aux 24 milliards d’euros dont l’Afrique subsaharienne a besoin en plus, chaque année, pour mettre ses infrastructures au niveau de ses besoins, d’après une récente estimation de la Banque mondiale.

Les ¾ des entrepreneurs interviewés par Knowdys considèrent que l’accès au crédit dans leur pays d’origine est encore limité, que les taux d’intérêt y sont trop élevés, et que les droits de propriété des investisseurs sont peu protégés par rapport au reste du monde. Malgré les critiques légitimes de ces entrepreneurs, encore que tous les pays ne soient pas logés à la même enseigne, l’Afrique présente des atouts qui attirent de plus en plus d’investisseurs étrangers. Tout se passe comme si la diaspora était la dernière à croire aux potentialités actuelles et futures du continent. En 2010, les investissements directs étrangers en Afrique ont franchi la barre des 55 milliards de dollars, soit cinq fois le montant d’il y a 10 ans.

La totalité des pays africains font de la croissance en 2012

La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton en visite en Afrique du sud en septembre 2012 déclarait: « Si on regarde l’Afrique, on y voit une énorme croissance économique alors que l’économie mondiale est toujours en difficulté. Sept des dix économies qui progressent le plus vite dans le monde sont dans cette région ». Trois mois plus tôt, la Banque africaine de développement (BAD) avait indiqué que la croissance moyenne du continent devrait bondir cette année à 4,5%, contre 3,4% en 2011 (année marquée par les révolutions arabes), et s’accélérer à 4,8% en 2013. Le 14 août 2012, Mthuli Ncube, économiste en chef et vice-président de la BAD a annoncé à Johannesburg que la totalité des pays africains font de la croissance en 2012. Selon les prévisions compilées de l’OCDE des Nations Unies, la croissance de l’Afrique subsaharienne sera de 5,3% en 2012 et 5,4% en 2013. Parmi les économies africaines qui devraient croître le plus vite entre 2012 et 2013, la Libye fait la course en tête, avec un taux de croissance attendu de 14,8%.

Si en 2012, l’Afrique ne pèse encore que 4 % de la richesse mondiale, en 2050 ce sera 12%. Elle sera alors plus riche que l’Europe et pèsera l’équivalent de 2/3 des États-Unis et de l’Europe réunis. Par ses investissements, la diaspora peut contribuer à renforcer les capacités du continent en vue de concurrencer les autres marchés émergents à croissance rapide.

La classe moyenne s’accroît et consomme

Le 6 mai 2011, la Banque africaine de développement a publié un rapport indiquant que plus de 313 millions de personnes constituent la classe moyenne africaine. Autrement dit, un Africain sur trois fait preuve d’une demande croissante en produits de haute qualité. La classe moyenne africaine, équivalente en nombre aux classes moyennes chinoise et indienne constituent donc un réservoir de consommateurs pour les produits de luxe et de confort moderne, de voitures, d’ordinateurs, de smart phones, de réfrigérateurs, de machines à laver, etc.

L’augmentation attendue des dépenses de consommation de 60%, à 1 400 milliards de dollars d’ici 2020 sur le continent, selon des chiffres de la Banque mondiale, participe des facteurs qui encouragent et rassurent des investisseurs inquiets de la forte dépendance des économies africaines vis-à-vis des cours des matières premières. Les investisseurs internationaux considèrent l’émergence d’une classe moyenne et la croissance de la consommation comme deux des atouts les plus séduisants des marchés africains. Les entrepreneurs de la diaspora, si les conditions leur étaient facilitées, pourraient aider à relever le super défi de l’accroissement de la main d’œuvre locale en contribuant à la création des emplois dans le secteur privé.

Les géants mondiaux affluent sur le continent

Signe que les affaires se portent bien en Afrique, depuis quelques années, les Big Four (PWC, Deloitte, Ernst & Young et KPMG) renforcent leurs positions sur le continent. Et ils ne sont pas seuls. Après l’acquisition de 20% de Standard Bank en 2008 pour un montant de 3,8 milliards d’euros, Industrial and Commercial Bank of China a récemment ouvert une représentation en Afrique du Sud. Barclays a suivi le même mouvement. Après avoir acquis 56% d’Absa Bank en 2005 pour la somme de 2,1 milliards d’euros, la banque britannique a choisi de délocaliser sa direction Afrique au pays de Nelson Mandela au quatrième trimestre 2011. Crédit suisse a également inauguré sa toute première filiale africaine à Johannesburg début 2011. Le top management de Standard Chartered, quant à lui, dit clairement être « à l’affût de toutes les opportunités d’acquisitions qui pourraient se présenter en Afrique ». Bien exposé à l’Afrique de l’est, le groupe britannique qui réalise 10 % de ses bénéfices sur le continent, vise à présent l’Afrique de l’ouest avec trois cibles prioritaires : Angola, Ghana et Nigeria. HSBC est toujours à la recherche d’un partenaire stratégique en Afrique. Après l’ouverture d’une filiale en Afrique du sud, JP Morgan a orienté son viseur vers le Ghana et le Kenya. Le 24 septembre 2012, la banque Lazard a ouvert un département consacré au marché subsaharien. La liste est longue.

Autre signe des temps et non des moindres, depuis septembre 2012, l’agence américaine d’informations économiques et financières Bloomberg recherche activement des journalistes free-lance en Afrique dans huit pays d’Afrique: l’Érythrée, la Guinée équatoriale, le Tchad, le Togo, la République centrafricaine, le Mozambique, Sao Tome & Principe et le Lesotho. Dans plusieurs autres grands groupes mondiaux, les organigrammes reflètent une nette tendance à l’africanisation. Deux exemples parmi les plus parlants : entre 2010 et 2012, Nestlé qui s’est donné pour objectif de « doubler son chiffre d’affaire en Afrique d’ici 2020 » a prévu d’injecter un milliard de francs suisses pour augmenter ses capacités de production. L’américain Coca-Cola a prévu d’investir 12 milliards de dollars entre 2010 et 2020 sur le continent. Le même désir d’Afrique est notable chez des acteurs comme Unilever ou Pernod Ricard qui ne cachent plus leurs ambitions. Quid de la diaspora africaine ?

Ils font main basse sur les terres arables d’Afrique

Au cours de la décennie écoulée, la course à l’acquisition massive des terres arables s’est imposée comme une nouvelle clé de compréhension de la géopolitique mondiale. Sous la pression des prix alimentaires croissants, de la demande accrue en agro-carburants, en matériaux bruts et en bétail nourri au grain, ainsi qu’en raison de la faible profitabilité des marchés financiers en déroute, des multinationales (telles que Glencore ou Armajaro) et des pays financièrement riches (tels que le Brésil, la Chine ou le Qatar) investissent pour sécuriser leurs filières alimentaires. En passe de devenir le grenier du monde, l’Afrique voit affluer des grands groupes agroalimentaires et des fonds souverains étrangers qui font main basse sur les terres arables, au point d’inquiéter les petits producteurs locaux. Cette problématique est d’autant plus sensible que « le changement climatique pourrait faire baisser la production de 16 % dans le monde et de 28 % dans le seul continent africain au cours des 50 années à venir» d’après Robert Zoellick, directeur de la Banque mondiale de juillet 2007 à juin 2012.

A cause d’une trop grande asymétrie d’informations, la cartographie des stocks alimentaires détenus par de gros exportateurs internationaux sur des produits de base tels que le maïs, le riz, le blé fait grandement défaut aux pays subsahariens. Les autorités locales peinent, en effet, à collecter et à distribuer des informations fiables dans ce domaine sensible. Pourtant, avec 60% de terres mondiales non cultivées, l’Afrique se positionne comme une région clé pour la sécurité alimentaire mondiale. Au lieu de céder aux sirènes de l’agro-industrie comme dans d’autres parties du monde, la diaspora africaine pourrait jouer un rôle crucial dans le soutien aux agriculteurs du continent. Elle pourrait ainsi acheter les terres arables pour les empêcher de tomber dans l’escarcelle des firmes étrangères. Elle pourrait également investir avec succès dans l’approvisionnement en semences de meilleure qualité, ainsi qu’en infrastructures de stockage et de transport pour accroitre le rendement des agriculteurs et éviter qu’une part non négligeable de la production ne soit perdue comme c’est le cas actuellement.

La destination la plus attractive des 10 prochaines années

Les analystes de Knowdys sont formels : l’Afrique sera la destination la plus attractive pour les grands investisseurs institutionnels internationaux au cours des 10 prochaines années. Face à cette réalité, les agences d’intelligence économique spécialisées sur l’Afrique sont outillées pour accompagner les investisseurs et les entrepreneurs de la diaspora dans la détection et la surveillance des entreprises solides qui donnent envie d’investir. Car les vraies pépites sont et resteront:

1. Des entreprises dont on comprend aisément l’activité

2. Des entreprises présentant des perspectives d’avenir favorables

3. Des entreprises gérées par des personnes honnêtes et compétentes

4. Des entreprises dont l’activité est faiblement exposée aux aléas politiques

Investisseurs et entrepreneurs de la diaspora africaine, n’attendez plus ! Le moment d’investir au pays, c’est maintenant ! Ne soyez pas comme cet ingénieur de 43 ans qui se confiait ainsi récemment à la sortie d’un forum sur les investissements innovants en Afrique : « … J’avais mon idée de création depuis plus de quatre ans […] Mais j’attendais que le régime change, que le climat des affaires s’améliore… Voyant que rien n’avançait comme j’avais prévu, je me suis résolu à y aller quand même, histoire de tenter ma chance. Sauf qu’à mon arrivée, un jeune chef d’entreprise chinois de 27 ans avait déjà mis en pratique mon idée. Et il avait pignon sur rue, impossible à déloger.  Je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.»

Guy Gweth

Lire les réactions très intéressantes de la diaspora sénégalaise sur cet article in Seneweb News