Les parlementaires français votent une loi contre l’espionnage économique

Le code pénal français compte désormais un délit supplémentaire. Une proposition de loi visant à lutter contre l’espionnage économique a été adoptée le 24 janvier 2012 qui sanctionne la violation du « secret des affaires » d’une peine de trois ans de prison et de 375 000 euros d’amende. Inspirée de la législation étatsunienne, cette proposition de loi a été défendue par le député Bernard Carayon.

 L’idée était portée depuis plusieurs mois par le député du Tarn, Bernard Carayon, auteur d’un rapport et de plusieurs propositions de loi sur le sujet, et qui s’est notamment spécialisé dans l’intelligence économique. Il est ainsi devenu l’infatigable défenseur de la mise en place d’une sorte de tampon « confidentiel défense », s’inspirant notamment de la législation américaine adoptée sous l’ère Clinton en 1996.

Généralement, les affaires ressemblant de près ou de loin à de l’espionnage industriel tombent sous le coup de l' »abus de confiance », du « vol » ou du « recel » lorsqu’elles sont portées devant les tribunaux. Pour le promoteur du texte, il s’agit de « protéger des emplois, des technologies sensibles, des investissements, parfois considérables ». « C’est garantir notre puissance et notre indépendance dans certains cas, et lutter contre la désindustrialisation, qui n’a pas toujours été la pensée première des pouvoirs publics », a de nouveau expliqué le député à la tribune.

Eric Besson, le ministre de l’Industrie, a qualifié le texte de « pédagogique », « préventif » et de « dissuasif », saluant un « pas supplémentaire dans la défense des intérêts économiques de notre pays ». Et cette protection accrue des informations économiques semble faire assez consensus puisque la commission des Lois a adopté le texte à l’unanimité.

Le PS et le PCF se sont cependant abstenus lundi soir, se montrant légèrement plus incisifs qu’en commission. Ainsi Jean-Jacques Urvoas (PS) a critiqué « la lourdeur » du dispositif, pointant surtout le manque de « culture » des entreprises françaises en matière de sécurité économique. Dans son rapport, M. Carayon cite le chiffre de « 1.000 attaques économiques » en 2010 – du débauchage de cadre au vol de secret industriel – répertoriées par le délégué interministériel à l’intelligence économique. « Un quart d’entre elles constituent des violations du secret des affaires », a-t-il dit. Les secteurs sensibles du nucléaire, de l’aéronautique, de la recherche ou de l’automobile sont particulièrement concernés.

Dans les affaires récentes, il rappelle le cas de l’étudiante de nationalité chinoise stagiaire chez Valéo condamnée à un an de prison dont dix mois avec sursis ou encore celui d’un ancien salarié de Michelin qui en 2010 a été condamné aussi au titre de « l’abus de confiance ». Ce nouveau délit de violation du secret des affaires sera sanctionné de trois ans de prison et de 375.000 euros d’amende. Les informations protégées concerneront les « procédés, objets, documents, données ou fichiers » de nature « commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique » qui ne présentent pas un caractère public et dont « la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de l’entreprise ». « Faut-il créer une infraction nouvelle aux contours aussi larges? », a lancé Jean-Pierre Brard (app PCF), qui ne s’est pas privé au cours de son intervention d’une allusion à la fausse affaire d’espionnage chez Renault.

Ce secret des affaires ne sera pas opposable à la justice, aux autorités administratives, à la police, à la douane ou aux autorités de renseignement. De même, un journaliste pourra produire des documents couverts par ce secret des affaires sans être poursuivi pour recel. Plusieurs syndicats avaient fait part de leurs inquiétudes, et craignaient pour la liberté de la presse.

AD avec L’Expansion et Usine Nouvelle