Guinée | Les enjeux du nouveau code minier

Conakry avait promis qu’il sortirait en Avril 2011. Le nouveau code minier tant attendu par les acteurs locaux et internationaux fait désormais l’effet d’un stress test pour les nouvelles autorités guinéennes. Guetté par les entreprises minières dont certaines ont les mains qui tremblent, brandi par le pouvoir comme le remède  à la pauvreté, le futur code représente un immense espoir pour les Guinéens et pour une certaine catégorie d’investisseurs.

Par Guy Gweth

Alpha Condé a hérité d’une Guinée exsangue. Presque tout est à refaire. L’histoire qu’il a vendue aux électeurs pour arriver à la tête du pays est essentiellement composée d’espoir, de justice et de prospérité. Des mots qu’il ne sera pas aisé de matérialiser. Déjà les populations s’impatientent. L’opposition politique s’excite. Les sursauts géopolitiques modifient les plans. Mouammar Kadhafi qui finançait 15% du budget de l’Union africaine jusque fin 2010 avait promis une aide financière au « Frère Condé » pour l’aider à résoudre prioritairement les questions du manque d’eau courante, d’électricité, d’infrastructures de santé et de moyens de communication. La révolution libyenne en a décidé autrement. Du coup, le président a pris son bâton de pèlerin pour vendre ses projets de réformes et attirer les investisseurs étrangers. D’après un diplomate guinéen en poste en Paris, Condé compte plus que tout sur le nouveau code minier pour honorer les engagements de son gouvernement et tenir ses promesses électorales.

La couleur a été annoncée quelques jours après son investiture le 21 décembre 2010: l’Etat guinéen aurait dorénavant une majorité de blocage de 33% au sein des entreprises minières opérant dans le pays. Bien plus, « les entreprises qui ont déjà eu des permis, nous allons vérifier si elles les ont obtenus par la corruption. Si tel était le cas, alors nous allons soit résilier leurs contrats ou leur infliger une pénalité », a prévenu Alpha Condé.

Chez Knowdys, on sait qu’un certain nombre de dossiers importants seront impactés à coup sûr. Parmi eux, le groupe Rusal qui gère la compagnie des bauxites de Kindia et la raffinerie de Fria ; le dossier du gisement de fer de Simandou qui oppose l’australien Rio Tinto et l’israélien BSGR ; celui de la Compagnie des bauxites de Guinée (détenue à 51 % par le consortium Halco Mining composé du trio Rio Tinto/Dadco/Alcoa) qui exploite le gisement de Sangarédi; sans oublier le très controversé contrat de China International Fund signé avec le gouvernement de Dadis Camara en octobre 2009 pour un montant de sept milliards USD. D’après nos sources à Conakry, les dispositions du nouveau code minier pourraient avoir un effet rétroactif sur ces dossiers.

Cinq mois après son élection, certains analystes s’interrogent pourtant sur la réelle capacité du chef de l’Etat guinéen à aller jusqu’au bout de sa logique « mains propres ». En écoutant Condé, on croit parfois entendre Sankara. Et c’est enfoncer une porte ouverte que d’affirmer que son projet d’en finir avec le « scandale géologique » guinéen est loin d’être partagé par l’ensemble des sociétés minières déjà implantées dans le pays. Sa volonté affichée de combattre la corruption et de revoir tous les contrats entachés d’irrégularités fait grincer les dents de quelques acteurs prêts à tout pour défendre leurs positions. Prudents, d’autres sont dans l’expectative. Les impressions recueillies auprès des entreprises minières par Knowdys Intelligence économique révèlent que plus de 80% des investisseurs attirés par le sous-sol guinéen veulent s’assurer de la stabilité politique et juridique du pays avant de se lancer.

Une partie de la future cartographie de l’exploitation minière guinéenne peut cependant être extraite du décryptage des liens qui unissent ou non George Soros à certains poids lourds du secteur. S’il est aussi surveillé par les Chinois et les Australiens notamment, c’est parce que le rôle de « bienfaiteur » et de « conseiller » que joue actuellement le milliardaire américain auprès du président guinéen cache plusieurs ficelles. Condé a autant besoin de sécurité que de soutiens extérieurs pour équiper son pays d’infrastructures routières, portuaires et ferroviaires qui faciliteront l’exploitation de certains gisements prioritaires en profitant au maximum à l’économie locale. George Soros a promis de lui apporter l’appui et les contacts nécessaires.

Rappelons pour ne pas conclure que l’alumine et la bauxite, à eux seuls, représentent  63 % des exportations guinéennes et un peu plus de 400 millions USD de recettes. En plus du diamant, du fer, du manganèse, de l’or, du pétrole et de l’uranium, la Guinée détient 1/3 des réserves mondiales de bauxite. Avec 55% de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté, on peut comprendre que le nouveau code minier soit attendu comme le Messie.