Cyberguerre | Nos distances avec l’OCDE

Publié le 17 janvier 2011, le rapport Reducing Systemic Cybersecurity Risk endossé par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) minimise les effets désastreux que pourrait avoir une cyber-guerre. Cette position, pour compréhensible qu’elle soit, est aux antipodes de celle des acteurs qui, comme nous, considèrent la sphère virtuelle comme un champ de bataille stratégique au même titre que la terre, la mer, l’air et l’espace.

Par Guy GWETH

En regardant la cyber-guerre, non pas comme une menace principale mais davantage comme « un élément perturbateur ou de soutien aux attaques classiques », l’OCDE a pris de gros risques. Mais il sera toujours temps de dire qu’elle se fondait sur une étude essentiellement assise sur la recherche documentaire et les interviews d’acteurs triés sur le volet. Comme si comparaison était raison, l’organisation estime qu’au moment où elle publie son rapport, la menace d’une cyber-guerre constitue moins de risques à l’échelle globale que les catastrophes financières ou les pandémies.

En 2009, nous avons lancé un projet de recherche sur « La guerre informatique dans les relations internationales » au Centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris, sous la direction de Ludovic François, professeur à HEC Paris. Ce projet a été mis en veilleuse devant le peu de collaboration des personnes ressources au sein des principaux ministères de la défense de l’OCDE justement. « On sait que c’est grave, mais on ne peut pas en parler avant la catastrophe, sinon on est considéré comme des commerciaux pour fabricants d’antivirus…», nous confia plus tard un ancien de l’IHEDN.

Autre expérience assez parlante : nous avons récemment interrogé une demi-douzaine d’amis et collègues considérés comme étant parmi les meilleurs spécialistes en sécurité informatique et infoguerre en Europe, ainsi qu’un sinologue de renom. Nous leur avons posé la question suivante: « Si Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, avait été Chinois, où en seraient les relations entre Pékin et le reste du monde? Proposez-nous un scénario. » Aucun n’a voulu se prononcer. Pendant ce temps, nous ne pouvions nous empêcher de penser, toutes proportions gardées, aux 18 jours d’octobre 1962 durant lesquels s’affrontèrent les présidents Kennedy et Kroutchev dans la crise des missiles de Cuba.

Quelques-uns parmi ceux qui ont lu le rapport pourraient nous rétorquer: « attention! Vous mélangez tout… Ce n’est pas dans ce sens que Reducing Systemic Cybersecurity Risk a été rendu. » Certes. Mais l’affaire WikiLeaks donne de la profondeur à cette question et préfigure le comportement que pourraient avoir un « ennemi » ou le crime organisé en accédant illicitement à des contenus sensibles pour la sécurité nationale. Jugée « suspecte » par certains experts et « mesurée » par d’autres, cette position de l’OCDE sur la cyber-guerre pourrait malheureusement endormir certains États pendant quelques temps, mais certainement pas les grandes puissances telles que la Chine et les États-Unis.

Pour bien comprendre ce dernier propos, relisez notre article paru dans l’hebdomadaire Les Afriques n°98, page 19, en novembre 2009, sous le titre : Les Etats-Unis préparent-ils une guerre informatique ?